samedi 5 juin 2010

Le "nouveau" jazz norvégien, encore et toujours

Avis aux amateurs de "nouveau" jazz norvégien: Nils Petter Molvær viendra porter la bonne parole (trompette & bugle) le 12 juin, dans le cadre du Paris Jazz Festival.



Ai-je bien écrit "nouveau" jazz? Bigre, ça fait une bonne demi-douzaine d'années que NPM est censé être l'un des représentants du ny norsk jazz, ça commence à faire... Bugge Wesseltoft l'avait déclaré mort dès 2005. Ce qui amène à poser la question (faussement philosophique): à partir de combien de temps devient-il inapproprié, voire trompeur, d'affubler un musicien et sa musique du qualificatif "nouveau" et de ses cousins "novateur" et "innovant"?
Non pas qu'au-delà, on devienne périmé ou ringard pour autant. Prenez Jan Garbarek, par exemple. Dans les années 1960, celui qui jouera le 13 juin (toujours au Paris Jazz Festival) incarnait le renouveau du jazz made in the fjords, un courant déjà baptisé ny norsk jazz. Son trio formé avec Arild Andersen (b) et Jon Christensen (dm) tentait de démêler filiation coltranienne et pur courant free (photo du trio prise en 1967 avec le tromboniste Frank Pipps, et trouvée ici). Le saxophoniste représente toujours l'une des grandes voix européennes - assagies - du jazz contem-porain. L'intéressé garde un souvenir un peu mitigé de cette période ouverte aux vents de l'improvisation "totale".
"Dans les années 1960, m'expliqua-t-il lors d'un entretien à Oslo en vue d'un portrait pour Le Monde, il était un temps où nous trouvions sans doute lâche de nous mettre d’accord sur quoi que ce soit avant de monter sur scène. Tout devait être absolument spontané. Ce qui est une illusion, puisqu’il y a tant de facteurs préexistants, quoi qu’on en dise à l’époque. Ne serait-ce que les instruments ou les idiomes avec lesquels nous jouions. Cela guidait ce que nous avions à faire. J’en ai conclu, à cette époque, que cette soi-disant liberté était en fait très rigide et limitée. La raison pour laquelle j’en suis arrivé là, c’est qu’au milieu de toute cette cacophonie, j’aimais soudain jouer quelque chose de très organisé: ça pouvait être un tango ou une valse, une mélodie où tout le monde aurait dû suivre des arrangements préconçus. Mais ce n’était tout simplement pas possible. Ce ne devait pas être comme ça. Cela n’appartenait à l’idiome du moment. J’ai donc dû rompre avec lui. Et dès que je l’ai fait, je me suis senti plus libre. Je voulais imposer des limitations à ma façon de faire de la musique, mais je voulais être libre de choisir moi-même quelles limitations imposer, plutôt que de rester strictement dans un idiome, ce qui revient à devoir faire ce qu’on vous dit en général. J’ai alors pu jouer mes tangos et mes valses!"
En son temps (plus ancien), Kristian Bergheim, un sax ténor qui vient de mourir à l'âge de 83 ans, joua dans un groupe baptisé... Ny Norsk Jazz. C'était en 1953-1954! Pas de doute, l'expression a la peau dure et les générations qui l'emploient au fil du temps ont tendance à oublier les précédentes, tout concentrées qu'elles sont sur les nouveaux courants d'un jazz qui se renouvelle, comme organiquement.
Dans l'actualité du jazz norvégien en France, il est en tous cas un événement qui n'a pas été marqué du sceau ny jazz: c'est le concert donné le 3 juin à Lyon (au Périscope) par Friends and Neighbors. Ce quartette, cela s'entend dès les premières mesures, se réclame de Don Cherry, d'Ornette Coleman, d'Eric Dolphy ou d'Archie Shepp. De l'old new jazz en quelque sorte, à moins que cela ne soit du new old jazz?

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