Le Schleswig-Holstein, c'est la porte à côté pour les Nordiques, un des sas obligés vers le sud de l'Europe pour ceux qui choisissent la voiture dans leur quête de soleil et d'émotions estivales. Ca et là, on parle encore danois dans cet ancien duché ayant appartenu à Copenhague quatre siècles durant, jusqu'à la misérable guerre de 1864. Kiel, la capitale de ce qui est devenu un Land allemand, est aussi l'un des terrains de jeu privilégiés des jazzmen nordiques. Les Suédois e.s.t., Viktoria Tolstoy ou Nils Landgren, notamment, ont fait leurs preuves lors du festival JazzBaltica, organisé depuis 1991 à Kiel, ou plus exactement à Salzau, sa lointaine banlieue.
Or voilà qu'un coup de tonnerre vient de retentir sur ce plat pays. La coalition régionale au pouvoir - de la même couleur que celle dirigée au niveau fédéral par la chrétien-ne-démocrate Angela Merkel - a décidé de tailler dans le vif: l'an prochain, JazzBaltica n'aura plus droit aux subventions publiques. L'heure est à l'austérité. Près de 150 000 euros ne se trouvant pas comme ça sous le sabot d'un cheval, même d'un Schleswig, brave compagnon de trait (photo), le festival risque purement et simplement de disparaître.
Branle-bas de combat à Kiel et bien au-delà: JazzBaltica doit survivre! Nils Landgren (artiste en résidence durant le festival 2010, du 30 juin au 4 juillet), Ornette Coleman, Pat Metheny, John Scofield, Joe Lovano, Dave Holland, Benny Golson, Michael Wollny, Sting et d'autres ont signé une "résolution" pour protester contre les intentions du gouvernement régional. Sur Facebook, un groupe de soutien s'est formé: Save JazzBaltica!!!! Vous trouverez là l'appel du directeur artistique du festival, Rainer Haarmann, en place depuis les balbutiements de cette manifestation devenue l'un des grands rendez-vous du jazz dans le Nord de l'Europe.
Pour les musiciens nord-américains, une telle fermeture serait aussi un coup dur. Sur le blog jazz de la NPR, la radio publique nord-américaine, Patrick Jarenwattananon raconte comment les festivals européens sont devenus des bouées de sauvetage pour pléthore de jazzmen domiciliés aux Etats-Unis, où leur métier n'est pas assez soutenu par les subsides publiques. Intéressant billet sur comment le jazz a été érigé en art en Europe et sur la fragilité d'un dispositif reposant sur le bon vouloir d'autorités qui, comme dans le Schleswig-Holstein, peuvent couper les fonds d'une année sur l'autre. La question est de savoir s'il existe une alternative plus viable que celle-ci... Méditons sur la chose en écoutant Nils Landgren interpréter Believe, Beleft, Below avec le trio d'Esbjörn Svensson, Pat Metheny et l'Orchestre de chambre du Schleswig-Holstein (non, ceci n'est pas une ode funèbre!).
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