Pour ceux qui, comme moi, ont regretté la mort, il y a près de deux ans, du pianiste suédois Esbjörn Svensson, meneur du génial trio e.s.t., voilà une nouvelle qui ouvre quelques perspectives intéressantes. Dan Berglund, celui des trois qui tenait la contrebasse, est retourné à l'usine à sons, ou l'usine à notes, selon la traduction choisie pour Tonbruket, le nom du groupe qu'il a formé en Suède où il vient de sortir un disque chez ACT. Des notes et des sons en tous genres, il y en a à profusion dans cette nouveauté électique.
Plus encore qu'e.s.t., Dan Berglund regarde résolument au-delà du jazz, comme s'il voulait pousser plus loin encore la démarche entamée à trois sous la houlette d'Esbjörn Svensson, disparu dans un accident de plongée à l'âge de 44 ans. Berglund avait rejoint le pianiste et Magnus Östrom, son batteur et ami d'enfance, en 1993 seulement. "Avant Dan, nous avions épuisé cinq ou six bassistes sans trouver celui que nous voulions...", m'avait raconté Svensson lors d'une rencontre avec les membres du trio au printemps 2004 pour un portrait dans Le Monde, que je vais reproduire sur ce blog.
Silhouette légèrement rebondie, crâne chauve, Dan Berglund mit de l'huile dans les rouages un brin abrasifs imaginés par Esbjörn et Magnus, deux fortes têtes. Dan vient de la "ville des pèlerins" (Pilgrimstad), un bled qui en compte moins de 400, dans le comté de Jämtland, loin au nord de Stockholm. A onze ans, il commence à tâter de la guitare pour accompagner son père, amateur d'accordéon, dans des chansons traditionnelles suédoises. Du folk au "hard rock sans papa", le pas est vite franchi. Un parcours favorisé sans le savoir par... la Fondation évangélique de la patrie, une "filiale" de l'Eglise suédoise (luthérienne, bien sûr). "Une fois par semaine, avait plaisanté le contrebassiste lors de notre rencontre de 2004, on parlait un peu de religion entre ados et on buvait beaucoup! C'est comme ça que ça je suis entré en contact avec Dieu... Non, avec un prof de musique!" A Östersund, la grande bourgade du coin. Chœurs, fanfares, tout est bon pour le jeune Dan, qui entre-temps s'est mis à la basse électrique. "Le jazz ne m’intéressait pas du tout à l’époque."
Il commence ensuite une formation de réparateur de téléviseur, tout en étudiant la musique le soir, toujours à Östersund. "Là, j’ai été obligé de me mettre à la contrebasse pour être admis. Mon prof de musique est arrivé un jour chez nous avec un de ces gros instruments en disant, hop tu l’as acheté! J’en ai eu pour quelque 4000 couronnes (environ 400 euros)... Je trouvais que c’était très ennuyeux, on ne jouait que du classique, mais je me suis accroché." Notre homme finit par trouver un travail dans l’orchestre de la région, financé par l’Etat suédois. Il découvre le jazz, rencontre Esbjörn et Magnus. La suite, les amateurs d'e.s.t. la connaissent.
(Avec l'accord de l'auteur, j'emprunte ce billet à mon autre blog, Nordiques & Baltes, où je l'avais publié au début de l'année)
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